Anaïs Quemener (Tremblay), championne de France du marathon

L’athlète FSGT du Tremblay AC a remporté dimanche 18 septembre 2016 à Tours, le titre de championne de France du marathon en 2:55:26 !

Découvrez le parcours d’une sportive pas comme les autres...

Article extrait du site web du magazine Les Sportives, 1er magazine sportif au féminin et multisports
http://les-sportives-mag.fr

Dans la course contre le mal

Passionnée de course à pied, Anaïs, atteinte d’un cancer du sein, s’est accrochée pour continuer à pratiquer son sport, y compris en compétition, durant le traitement de sa maladie.

Du haut de ses 25 ans, Anaïs Quemener, jolie brune au regard pétillant, a déjà un beau passé sportif. Elle avait 9 ans lorsqu’elle a démarré la course à pied. Une évidence pour la gamine dont le père, Jean-Yves, lui-même coureur de fond, était alors entraîneur à Villepinte, avant de devenir directeur technique au Tremblay Athletic Club, auquel elle est toujours licenciée.

Une évidence aussi de s’aligner sur des longues distances. Les choses sérieuses commencent quand elle a 18 ans. « J’ai fait mon premier semi-marathon en 1 h 27. Et trois ans plus tard, en 2013, je me suis lancée sur le marathon à Rotterdam. J’ai terminé en 3 h 11 », précise Anaïs. Des débuts plus que prometteurs, d’ailleurs très vite la sportive explose ses chronos. Semi-marathon de Lille en 1 h 22, championnat de France de marathon à Metz en 2 h 58. « J’ai terminé 4e femme et 3e senior », souligne-t-elle.

Un brillant avenir sportif s’ouvre à cette jeune femme qui consacre une dizaine d’ heures par semaine à sa passion. Et dès qu’elle le peut ou avant d’aller travailler, elle saute sur son vélo.

Mais son horizon s’obscurcit en août dernier. « Un an plus tôt j’avais senti une masse dans la poitrine. Je ne m’étais pas alarmée, d’autant que mon gynéco m’avait rassurée. Je vivais normalement, pourtant quelques mois plus tard, ça avait grossi alors je suis allée consulter. J’ai fait un bilan sanguin complet, tout était normal. Mais pas de mammographie, jugée inutile à 24 ans et sans antécédent familial ». Et cette grosseur sensée partir spontanément, n’a fait que se développer, au point de gêner Anaïs. Elle se tourne alors vers un médecin de l’hôpital où elle est aide-soignante et insiste. Là on lui fait des examens. Résultat : tumeur cancéreuse niveau 3.

« J’ai une bonne hygiène de vie, j’avais du mal d’y croire. Et je ne ressentais ni fatigue ni douleur. Quand j’ai voulu le dire à mes collègues, je n’ai pas pu, ça ne sortait pas… ».

Courir tous les jours

Une fois la nouvelle répandue, la jeune femme tient sa maladie à distance. « C’était presque moi qui rassurais les autres. Je répétais que ça se soigne bien, que c’est juste un mauvais moment à passer… ». Durant cette difficile période où d’autres se seraient effondrées, Anaïs se défoule sur piste et sur route.

La chimio démarre le 20 août, et se renouvellera toutes les trois semaines jusqu’en février. « Les effets secondaires, ce n’est pas drôle… », pourtant la championne ne lâche rien. « Ce n’était pas envisageable que je m’arrête de courir. J’étais déjà assez frustrée de ne pas travailler. Rester enfermée chez moi sans rien faire, l’horreur ». Alors elle court, tous les jours, avec l’autorisation de son oncologue. « Durant une dizaine de jours après la chimio, j’étais mal, alors je courais seule, accompagnée à vélo par mon père. Même si je faisais parfois du 8 km/h, ce n’était pas gênant ».

Dès qu’elle se sentait mieux, elle rejoignait le groupe au stade. « Je tenais à garder le lien. Et j’ai toujours continué la compétition pour savoir où j’en étais ». Une manière de traiter la maladie par le mépris. Pas facile pour autant. « Au début j’ai eu un pincement au cœur, je ne pouvais plus partir en première ligne. Je mettais 45′ sur 10 km au lieu de 36… ». Mais le plus difficile durant cette période, c’était de trouver un médecin qui accepte de lui délivrer un certificat médical la déclarant apte à la course en compétition.

Les bienfaits des réseaux sociaux…

Dans le même temps, la jeune femme passe des heures sur les réseaux sociaux. « Je ne me suis jamais plainte, mais après chaque chimio je postais une photo de moi, histoire de montrer comme c’est dur physiquement. Comment le corps se dégrade d’une séance à l’autre, les cheveux qui tombent, puis les sourcils, les traits tirés… ça m’a fait du bien d’en parler ».

C’est ainsi également qu’ elle découvre Casiopeea, une association de lutte contre le cancer du sein basée à Saint-Cloud, qui regroupe des femmes en traitement ou passées par là, pour organiser des activités sportives en groupe. Le sport pour vaincre. « C’est important de pouvoir échanger sur ce qu’on vit et d’être conseillée » , ajoute Anaïs, qui court régulièrement avec le tee-shirt de l’association.

En février, nouvelle étape dans le traitement avec l’ablation du sein gauche. Anaïs a bien dû ranger ses chaussures de jogging. Mais juste deux semaines, et pour reprendre plus intensément ensuite. « Mon entraîneur est toujours inquiet, même maintenant. Je lui répète : je ne suis plus malade, tu m’entraînes comme tout le monde. C’est important pour moi, le fait d’être avec les autres me fait oublier mon problème ».

Championnats de France

Fin avril, elle est carrément allée passer une semaine au Japon, parrainée par la FSGT 93 à laquelle le TAC est affilié, pour participer à un Ekiden, un marathon relais à sept.

Bien sûr la jeune femme reste prudente et sait lever le pied dans certaines circonstances. D’autant que depuis le début du mois, elle a droit à des séances de radiothérapie, cinq jours sur sept, et ce jusqu’à fin juin. A la question « ce n’est pas trop dur ? », elle répond avec un large sourire « ça brûle un peu mais ça ne m’empêche pas de courir. Je commence à récupérer des bonnes sensations ». Et les objectifs qui vont avec. Petite mise en jambe avec le championnat de France de 10 km en juin, et plat de résistance en septembre à Tours pour le championnat de France de marathon. « Je veux m’approcher le plus possible de mes temps d’avant », souligne Anaïs avec détermination. Toujours souriante.

L’ablation d’un sein à l’aube de sa vie de femme, ce ne doit tout de même pas être facile à vivre ? « Un sein ce n’est pas un organe vital. J’ai perdu un sein mais j’ai gagné la vie », rétorque-t-elle.

Pourtant elle n’est pas au bout du chemin dans la résolution de sa maladie. « Après la reconstruction du sein gauche, les médecins ont prévu l’ablation du droit, en prévention, les analyses ayant montré qu’il s’agit d’un cancer génétique. Puis l’ablation des ovaires à 35 ans », indique-t-elle.

Avec son énergie hors du commun, sa volonté de fer, son moral de vainqueure, Anaïs continue d’avancer dans ses objectifs sportifs. Ses priorités, qui font passer le reste au second plan.

Brigitte Rémond

Athlétisme